Le dimanche 29 juillet 1900 à 10h30 du soir l' anarchiste italien Gaetano Bresci de Prato , prés de Florence , tua le roi d' Italie Humbert I en lui tirant quatre coups de revolver tandis qu' il se déplaçait dans une carrosse découverte vers la Villa Reale ( Villa Royale ) de Monza , prés de Milan où il passait ses vacances d' été. Au moment de sa mort , Humbert était âgé de cinquante-six ans et était roi depuis vingt-deux ans , à compter du 9 janvier 1878. Moins d' un an plus tard Gaetano Bresci fut " suicidé " dans le pénitencier de l' île de Santo Stefano.
Premières
années
Gaetano Bresci était
né à Coiano , un hameau de la municipalité
de Prato , le 10 novembre 1869 , un jour avant le fils d' Humbert
, qui devint roi à la mort de son père avec le nom
de Victor-Emmanuel III.
D' après Rivista Anarchica (1971)
en réalité
Bresci était né le même jour que Victor-Emmanuel
III , mais après le régicide , sa date de naissance
aurait été modifiée pour éviter la
coïncidence. Petacco soutient la même thèse
et écrit qu' on peut encore aujourd' hui déduire
la date originale des registres municipaux de Prato. En realité
, la récente publication sur le site Web des Archives de
l' État (lien)
des actes de naissance rédigés par la municipalité
de Prato , y compris celui de Bresci ( 1ére part et 2éme part ) , permet de verifier que l enregistrement
du nouveau-né Gaetano Bresci fut accompli le 13 novembre
par la sage-femme , qui déclara sa naissance le 10 novembre
1869 à 10h00 du matin.
Même sur le registre des
baptêmes la date de naissance est le 10 de novembre
, et est accompagnée par deux adjonctions du chanoine A.
Valaperti , écrites après le regicide : l' une en
latin : " melius erat ei si natus non fuisset homo ille
" ( " il aurait été mieux si cet
homme n' était pas né " ) et encore "
ad perpetuam rei memoriam " ( " à l'
éternelle mémoire du coupable " ) et l'
autre en italien : " questo infame la sera del dì
29 luglio 1900 a Monza assassinò con 3 colpi di rivoltella
l'ottimo Re nostro Umberto d'Italia. Sia pace all'anima benedetta
di lui ed obbrobbrio sempiterno all'infame assassino "
( " cet infâme le soir du jour 29 de juillet de
1900 à Monza assassina avec 3 coups de revolver notre excellent
Roi Humbert d' Italie. Soit la paix à l' âme bénie
de lui et sempiternel déshonneur à l' infâme
assassin " ).
La maison natale de Gaetano se trouve
à Coiano dans la localité " I Ciliani "
en via delle Girandole , 58 , aujourd' hui nommée via del
Cilianuzzo ( d' après Santin et Riccomini la rue actuelle
est via Baracca ). Gaetano était le dernier-né de
quatre fils de Maddalena Godi
, ménagère de quarante-quatre ans , et Gaspero (
ou Gaspare ) , agriculteur de quarante ans , originaire de Capezzana
, propriétaire d' une petite ferme. Le premier-né
Lorenzo était né le 13 octobre 1856 , il était
marié avec Stella Magri et travaillait comme cordonnier
; le second enfant Angiolo , né en 1861 , était
lieutenant du 10éme régiment d' artillerie
en garnison à Caserta , et la troisième , Teresa
, ménagère , était née le 18 de juin
de 1867 , et en 1890 avait marié le menuisier Augusto Marocci
originaire de Castel San Pietro ( Bologne ).
Mûrissement
politique
Gaetano commença
travailler comme cordonnier avec son frère Lorenzo , puis
en 1880 son père transférit la plupart de ses terrains
cultivables à Hans Kössler pour avoir une place comme
apprenti tisserand pour lui au "Fabbricone" ( " la grande usine "
) de Coiano di Prato , ouverte en 1888 par la société
allemande Kössler , Klinger , Meyer & C. (Borsini). L' enfant de onze ans Gaetano
travaillait quatorze ou quinze heures par jour , comme déclara
lui-même lors du procès (Zucca).
Le dimanche il fréquentait l' école municipale des
arts et métiers du textile et des teinturiers à
Prato , devenant décorateur sur soie et , à l' âge
de quinze ans seulement , il devint ouvrier spécialisé.
Ensuite il travailla à la Vannini de Florence , à
Compiobbi et à Gello avec la firme Cesare Zeloni. Le 26
de février 1891 il perdit sa mére Maddalena. Gaetano
commença à fréquenter les cercles anarchistes
de Prato et , en décembre 1892 , à l' âge
de 23 ans , il participe à sa première grève
, ensuite réprimée par l' occupation militaire de
l' usine , et en conséquence de ça Bresci démissionna.
La police le ficha comme " anarchiste dangereux "
et le magistrat de Prato le condamna le 27 décembre 1892
pour " outrage à agent de la force publique et
refus d' obéir à la force publique " à
une amende de 20 lires et à 15 jours d' emprisonnement
, sur lesquels plus tard fut accordé une rémission
de peine. Il fut reconnu coupable d' avoir défendu avec
véhémence , le 2 octobre 1892 , à 22 heures
, un garçon de boucher auquel la police municipale voulait
imposer une amende
(Galzerano,
pag. 115). D' après
des autres sources , il s' agissait plutôt d' un boulanger
qui tenait le magasin ouvert après l' heure de fermeture
(Marzi). D' après le procès-verbal
dressé par les policier , Bresci leur aurait dit : «
Il serait mieux si vous poursuiviez votre chemin en fichant
la paix à ce pauvre travailleur. N' étiez-vous pas
des travailleurs ? Mais bien sûr , maintenant vous ne l'
êtes plus ! Maintenant , vous êtes les serviteurs
des exploiteurs. Vous êtes une bande d' espions et de vagabonds
! ». Bresci aurait refusé de décliner
son identité , mais le jour suivant il aurait été
dénoncé avec ses camarades Augusto Nardini , Altavante
Beccani et Antonio Fiorelli (Zucca).
Il fut de nouveau arrêté , " pour des mesures
de sécurité publique " , en 1893 et 1895
, et assigné pendant plus d' un an au domicile obligé
dans l' île de Lampedusa avec 52 autres anarchistes de Prato,
en application des lois répressives promulguées
par Francesco Crispi. Il fut libéré
avec ses camarades en mai 1896 , grâce à une amnistie
accordée après la défaite du 1er
mars 1896 à la bataille
d'Adoua , dans la guerre italo-éthiopienne.
Le 22 décembre 1895 Gaetano perdit son père Gaspero
, agé de soixante-cinq ( lien
avec l' acte de mort de la commune de Prato ). Au cours des années
suivantes , pour son casier judiciaire il eut du mal à
se faire embaucher et il dut fréquemment changer d' emploi
, même si un de ses employeurs déclara lors du procès
: " Je dois admettre honnêtement que on n' avait
que peu d' ouvriers comme lui ". Après avoir cherché
en vain un emploi à Prato , Bresci se transféra
à Ponte all' Ania , un hameau
de Barga dans la haute Plaine de Lucques , où il fut embauché
en 1896 par l' usine de tissage, " Michele Tisi e C. ".
Il semble qu' à Ponte all' Ania Bresci se rendit souvent
sur les rives du ruisseau Ania pour faire
feu sur les cailloux , montrant ainsi qu' il visait très
bien. En été 1897 , il eut un enfant de Maria (
ou peut-être Assunta Righi ) , une ouvrière de sa
même usine , et au début de l'automne , il revint
à Coiano pour emprunter trente lires à son frère
, afin de contribuer aux frais pour le bébé ( le
" baliatico " ). Puis il retourna à Ponte
all'Ania pour quelques semaines ; à la fin du mois d' octobre,
il démissionna de l' usine Tisi , puis revint à
Coiano , où il annonça son départ pour l'
Amérique.
En dépit d' être autodidacte , Bresci montra toujours
un excellent niveau culturel et une multiplicité d' intérêts
allant au-delà de la politique. Le médecin de la
prison de Santo Stefano , Francesco Russolillo , déclara
que ses yeux " cachaient des flammes et des abysses "
et qu'il " avait une culture et un' âme qui , si
elles n' avaient pas été dévouées
au mal par un' uvre de destruction morale , auraient fait
de lui le meilleur des travailleurs intelligents " (Galzerano, pag.
803).
Aux Etats-Unis
Bresci partit de Gênes
avec le vapeur " Colombo " le 18 de janvier de
1897 en débarquant le 29 de janvier à New York où
il fut accueilli par son camarade Gino Magnolfi. Dès son
arrivée il trouva un emploi en Pennsylvanie et après
un an aux soieries Givernaud & Co. et Schwarzenbeck à
West Hoboken ( actuellement Union City ) , dans le New Jersey
, où il resta environ trois ans. Il ensuite passa à
la soierie Hamil and Booth Co. de Paterson , aussi dans le New
Jersey , à environ 20 km de West Hoboken, et à 21
miles (34 km) de New York, puis à la Emelburg. Il restait
à Paterson toute la semaine , il résidait à
l' hôtel Bartholdi et dînait à la pension Both
, au 345 de Straight Street , également appelée
la rue des Italiens , et revenait le samedi à West Hoboken,
où il avait gardé son domicile , au 263 de Clinton
Avenue , et où en août 1898 vint habiter avec lui
sa compagne Sophie Knieland.
Elle était née en 1865 à New York et avait
des origines irlandaises ; ils s' avaient rencontré en
avril au parc de Weehawken. Selon une déposition publiée
par Sophie après le régicide , elle et Gaetano s'
étaient mariés devant un juge de paix. Gaetano et
Sophie eurent deux filles. La aînée , née
le 8 de janvier de 1899 , s' appelait Maddalena ( Madeline ) ,
comme sa grand-mère paternelle , et la cadette , née
après l' attentat , le 28 de septembre de 1900 , s' appelait
Muriel , nommée aussi Gaetanina.
Paterson était une ville d' immigrants , avec une forte
présence italienne , en étant aussi un important
centre anarchiste aux États-Unis , où Bresci retrouva
de nombreux camarades de combat qu' il avait connu en Italie.
Selon le « New York Times » du 18 décembre
1898 , deux mille cinq cent des dix mille Italiens résidant
à Paterson se déclaraient anarchistes et trois mille
cinq cent achetaient régulièrement le journal anarchiste
en langue italienne " La Questione
Sociale " (Mazzone). Une semaine après son arrivée
, Bresci s' inscrivit à la Société pour
le droit à l' existence. Un mois plus tard , il acheta
dix actions de la valeur d' un dollar chacun de la maison d' édition
" Era nuova ". Bresci collabora avec "
La Questione Sociale " , qui pendant une période
avait été dirigée par Errico
Malatesta , arrivé à Paterson en août
1899 , en provenance de Londres , via la Tunisie et Malte , qu'
il avait atteint après s' être échappé
de son domicile obligé à Lampedusa , dans la nuit
entre 29 et 30 de avril de 1899.
Bresci participait régulièrement aux réunions
, même s' il ne prenait pas souvent la parole , et lorsqu'
il le faisait , il parlait calmement et sans élever la
voix. Il commençait souvent par la préface "
une petite observation " , qui devint une sorte de
surnom avec lequel on l' appelait.
À Paterson , Malatesta, partisan de la tendance collectiviste
, se disputait avec l' anarchiste individualiste romain Giuseppe
Ciancabilla , directeur de l' autre journal anarchiste de
la ville , " L' Aurora " , qui jusqu' en 1897
était socialiste , collaborateur du journal du parti socialiste.
" Avanti! ". Le 30 de août de 1899 , dans
le Tivola and Zucca's Saloon , à la Central Avenue de West
Hoboken , les deux anarchistes s' affrontèrent dans une
violente querelle au cours de laquelle Bresci aurait sauvé
la vie de Malatesta en arrachant le revolver de la main du coiffeur
anarchiste Domenico Passigli ( d' aprés d' autres "
Pazzaglia " ) , qui l' avait attaqué en le blessant
à la jambe ( voir la nouvelle sur "Avanti!"
du 18 septembre ). Le même Bresci, lors du procès
du régicide , témoigna qu' il n' était pas
là lors de la dispute (Galzerano, pag. 106) , tandis que dans un autre interrogatoire
il confirma d' avoir désarmé le coiffeur , tandis
que Ciancabilla n'était pas là (Galzerano, pag. 118). Le journal « Gazzetta
di Torino » du 2 août 1900 présenta l'
événement rien de moins que comme
" un duel de revolver à l' américaine ".
Dans la controverse idéologique entre les deux Bresci était
plus proche des positions individualistes de Ciancabilla , le
journal duquel " L' Aurora " avait applaudi le
régicide de Monza , tandis que Malatesta , dans un article
intitulé " Cause ed effetti " n' adhéra
pas au geste de Bresci , tout en identifiant ses causes dans l'
injustice sociale.
Préparation
de l' attentat
En février
1900 , Bresci dévoila à Sophie son voyage imminent
en Italie. Le 7 de mai , il démissionna de son poste à
l' usine et le 10 de mai , il demanda à deux camarades
de lui acheter un billet. Il s' embarqua le 17 de mai de 1900
sur le vapeur français " La
Gascogne " de la Compagnie Générale
Transatlantique , voyageant en troisième classe et profitant
de la réduction de 50% offerte aux visiteurs de l' Exposition mondiale de Paris.
Fin mai , Bresci débarqua au Havre puis se rendit à
Paris où il visita l' exposition. Plus tard , il fit un'
étape à Gênes et , le 4 juin , il arriva à
Prato , où le commissaire de police refusa de lui accorder
une autorisation de port d' armes à feu. Du 20 juin au
8 juillet , il était à Castel San Pietro ( province
de Bologne ) , où vivait sa sur Teresa avec son mari
, qui était aussi son compagnon de travail au Fabbricone.
À Castel San Pietro , il séjourna à l' Osteria
della Palazzina , gerée avec son mari par la soeur de Stella
Magri , épouse de son frère Lorenzo. Le 8 juillet
, il se rendit à Bologne pour assister à la commémoration
de Giuseppe Garibaldi prés de son monument
, inauguré un mois
avant , puis rentre à Castel San Pietro le 19 juillet.
Le 20 juillet , il se trouvait à Bologne , puis à
Parme , à Plaisance et le 27 juillet à Monza , où
Humbert séjournait depuis le samedi de la semaine précédente.
, le 21 juillet. Bresci arriva à la gare
de Monza et trouva hébergement pas trop loin , dans
une pension en via Cairoli 14.
Quelque historien soutient que Bresci développa l
idée d attenter à la vie d Humbert lors
de son débarquement en Italie , mais la thèse qui
prévaut est qu il avait quitté les États-Unis
spécialement pour mener à bien " le plan
sinistre du régicide exécrable " , comme
on lit dans l' ordonnance de renvoi aux assises. À Prato
l' anarchiste s' entraînait
au Stand de Tir National de Galceti.
On a des témoignages qui montrent à quel point Bresci
était fier de son viser et comment il en donnait fréquemment
des démonstrations pratiques , en utilisant comme cible
des bouteilles , qu' il réussissait à casser en
faisant passer la balle par le col.
L' attentat
Le 29 juillet au soir
, Bresci se rendit sur le terrain d' entraînement de la
societé gymnastique " Forti e liberi ",
en via Matteo da Campione , très proche à la Villa
Reale , où le roi devait décérner des prix
aux athlètes à la fin d' une démonstration
de gymnastique. L'anarchiste , à 21h30 , vit le roi arriver
dans une voiture hippomobile Daumont
tirée par deux paires de chevaux , mais il ne tenta pas
d' attaquer et se limita à identifier Humbert , pour éviter
de le confondre ensuite avec les autres passagers de la voiture.
L' anarchiste était élégamment habillé
, avec col droit , cravate noire , montre de poche avec chaîne
et un anneau au doigt. Il emportait avec soi le revolver
à cinq coups Hamilton & Richardson " Massachussets
" de 1896 , qu' il avait acheté pour 7 dollars à
Paterson le 27 février. Sur chaque balle il avait fait
plusieurs incisions avec des ciseaux , comme ils lui avaient raconté
à propos du bandit américain Jesse
James , afin d augmenter leur dangerosité , facilitant
la pénétration au cas où le roi porterait
une armure , et causant plus facilement l infection des
blessures.
À 22 h 30 , après la cérémonie de
remise des prix , le roi remonta dans la voiture et s' apprêtait
à quitter le terrain d' entraînement en direction
de la Villa Reale , située à quelques centaines
de mètres. Le lieutenant général Emilio
Ponzio Vaglia , ministre de la Maison royale , et le lieutenant
général Felice Avogadro di
Quinto , premier aide de camp , étaient avec Humbert.
Dans le plan publié par
le journal socialiste " Avanti! " est indiqué
le lieu de l'attaque , avec la position de la voiture marquée
par une croix. Le roi était debout à l' intérieur
de la voiture ouverte et était sur le point de s' asseoir
lorsque Bresci tira quatre balles n' étant qu' à
quelques pas.
Humbert fut atteint du
premier coup à l' arrière du cou , puis il se retourna
instinctivement et fut touché par deux autres coups à
la poitrine , dans la région cardiaque , tandis que la
quatrième balle fut retrouvée , sans traces de sang
, au fond de la voiture , et donc elle n' avait pas touché
la cible peut-être parce qu' elle fut déviée
par un coup de poing que le maréchal des carabiniers Giuseppe
Braggi donna au bras de Bresci. Humbert s'
affaissa dans la voiture et ordonna au cocher : " Allez-y
, allez-y ! " et , quand on lui demanda comment il se
sentait , il répondit : " Je ne crois pas que ce
soit rien de sérieux ". Il fut emmené à
la villa et couché sur son propre lit
où , quinze minutes après l' attentat , il décéda.
Les trois coups sur quatre qui touchèrent la cible témoignent
que Bresci visait bien , tandis que la cinquième cartouche
du revolver ne fut pas tirée et fut retrouvée dans
le barillet , avec les quatre douilles des balles qui furent tirées.
L'artiste Flavio Costantini (1926-2013) a représenté le
régicide dans plusieurs ( 1
, 2 et 3
). L' hébdomadaire "La Domenica del Corriere"
publia une photo d' Humbert laquelle
était indiqué comme la possible derniere photo prise
au roi.
Pourquoi
l' attentat ?
Le mobile de l' attentat
était la vengeance des massacres de travailleurs , ordonnés
pour réprimer les soulèvements de protestation ,
comme ceux de Conselice ( province de Ravenne ) en 1890 , de Sicile
et Lunigiana en 1894 et de Milan en
1898 , où l' armée
tira sur la foule qui protestait , assassinant des centaines de
personnes ( le nombre exact n' a jamais été établi
). Le soulèvement de Milan naquit de la tristement célèbre
" impôt sur la mouture " qui avait provoqué
une énorme augmentation des prix du pain et de la farine
, ce qui conduisit à l' assaut des boulangeries et à
la répression la plus sévère , même
au moyen d' armes à feu. Au dela du massacre des travailleurs
, même celui de 9 000 soldats italiens lors de la guerre
catastrophique d' Éthiopie de 1896 jeta également
les bases du régicide.
L' anarchiste Amilcare Cipriani , dans
le livret " Bresci e Savoia
" de septembre 1900 , écrivait : " De la foule
immense de victimes de la misère et des massacres de Lunigiana
, de Sicile et de Lombardie , surgit un vengeur , Bresci "
(Galzerano,
2001, pag.41). Il
est clair que le soutien apporté par la bourgeoisie milanaise
aux répresseurs, avec le slogan : " Tirez fort
, visez juste " avait été reçu par
Gaetano Bresci , qui déclara lors du procès : "
après l' état de siège en Sicile et à
Milan , établi illégalement par décret royal
, j' ai décidé de tuer le roi pour venger les pâles
victimes ".
Le même Humbert I , auquel bien des gens attribuent la responsabilité
politique du massacre , avait récompensé par la
Croix de Grand Officier de l' Ordre Militaire de Savoie et par
la nomination, le 16 de juin de 1898, au poste de sénateur
du Royaume du général piémontais Fiorenzo
Bava Beccaris , qui avait ordonné
le massacre , en tant que Commissaire Royal Spécial avec
pleins pouvoirs , en se congratulant avec lui pour
avoir défendu la civilisation. Le journaliste Paolo
Valera , têimoin du massacre , écrivit en 1899
: " Dans la phraséologie du general on a toujours
quelque chose du patron qui parle au serviteur et de l' imbécile
qui de l' école militare n' a apporté que la brutalité
del métier ". Au cours du procès , Bresci
rappela comme cause du régicide les massacres commis et
le fait d' avoir vu " les auteurs des massacres de mai
récompensés au lieu d' être pendus ".
L anarchiste Armando Borghi
se souvient comment , après 1898, le meurtre d Humbert
Ier était considéré comme " un premier
pas utile vers une révolution républicaine ".
L intolérance d Humbert et surtout de sa femme
, la reine Marguerite pour les protestations du peuple , partagée
par de nombreux des haut gradé militaires et par les industriels
, amena à élaborer un projet de coup d état
institutionnel , qui prévoyait la dissolution du Parlement
, considéré comme inactif et infiltré par
les socialistes , en transférant le pouvoir au roi et aux
hommes politiques les plus réactionnaires.
Le tournant autoritaire de la fin du siècle fut complété
par une loi réduisant le corps électoral de 847
000 électeurs , ainsi réduisant le pourcentage d'
électeurs par rapport à la population totale de
l'Italie de 9,8% à 6,9% (Feldbauer).
L' attentat de Bresci n' était pas la première tentative
d' assassinat contre Humbert Ier
: auparavant Giovanni
Passannante , de Salvia di Lucania ( province de Potenza )
, le 17 de novembre de 1878 à Naples et Pietro
Acciarito d' Artena ( province de Rome ) , le 22
avril 1897 à Rome , sur la route Appia , tandis que
le roi se dirigeait vers l' hippodrome de Capannelle
, tentèrent en vain de poignarder le roi. Pour Acciarito
, l' attentat avait été déclenchée
par l' indignation du fait que le roi avait offert un prix de
24 000 lires au cheval gagnant , alors que de nombreux italiens
, dont Acciarito , étaient dans une situation financière
difficile
(Centini).
Giuseppe Ciancabilla sur " L'Aurora " de Paterson
, écrivit : " Les erreurs commises par Passannante
et Acciarito nous ont appris qu' aujourd' hui , une arme de poing
à répétition est plus fiable qu' un poignard
! ", tandis que le même Humbert Ier ,
après les deux attentats au couteau , avait prevu que quand
les assaillants auraient mis de côté le poignard
et se seraient décidées à attraper le pistolet
, il aurait été condamné (Felisatti).
Le journal Il Messaggero du 18 mai 1890 rapporte un fait
démontrant qu' Humbert était conscient du danger
d' un bon tireur d' armes à feu : lorsqu' il était
prèsent à un concours de tir , il aperçut
qu' un célèbre maître d' escrime avait obtenu
un excellent score dans la galerie de tir , donc il lui serra
la main , le félicita et commenta : " bien mieux
que l' épée ! ".
Humbert
Humbert , monté
sur le trône le 9 janvier 1878 , était connu , selon
l' iconographie qui lui était favorable, comme "
le bon roi ", mais les massacres qu' il avait commandés
ou endossés lui ont valu le nom populaire de "
roi mitraille ".
Selon le patriote et ministre Silvio
Spaventa , le roi Umberto " est malheureusement ignorant
: c' est-à-dire qu' il n' a pas la culture nécessaire
et adéquate pour son époque et son degré
". Humbert lui-même disait à son fils :
" Souviens-toi qu'il suffit qu' un roi sache apposer sa
signature , lire le journal et monter à cheval " (Galzerano, 2001,
pag. 147).
D' après l' aide de camp du roi , le lieutenant colonel
Paolo Paolucci delle Roncole , le roi n' avait pas aucun intérêt
ou curiosité culturelle et il n' avait aucun penchant pour
les arts , il ne lisait pas aucun livre et même écrire
était pour lui une chose pénible et épuisante
(Silipo).
L' historien antifasciste Gaetano
Salvemini (1873-1957) dans « Terrorismo e attentati
individuali » de 1947 écrivit : « Humbert
était un tyran au sens classique du terme , soutenant l'
étranglement des libertés [...]. La mémoire
de Bresci est entourée d' une auréole de sympathie
et de gratitude dans la conscience de nombreux Italiens [...]
la grande majorité du pays estima qu' Humbert n' avait
pas volé cette balle de revolver ».(Sacchetti).
Francesco Crispi définissait Humbert comme « un
idiot qui se laisse emmener par de faux scrupules de constitutionnalisme
» , le maire de Rome , Alessandro Guiccioli , l' accusait
de manque de volonté et de la « claire intuition
de la haute et noble mission qu' il devrait accomplir »
, alors que le président du Sénat , Domenico Farini
, le jugeait peu franc , inconstant , souvent ne connaissaint
rien et ne lisant même pas les journaux. Un jour qu' il
était allé chez lui pour parler d une grave
crise de gouvernement , il s aperçut qu Humbert
s était endormi. De plus , il ne pensait qu
à la chasse et aux femmes , se rendant vulnérable
à mille commérages (Felisatti).
Humbert était connu pour son activité sexuelle intense.
Au-delà de sa femme , il avait une maîtresse officielle,
la duchesse Litta , née
Eugenia Attendolo Bolognini , qui était également
la maîtresse de son fils Victor-Emmanuel et de Napoléon
III, et qui avait été impliquée dans le scandale
financier de la Banca Romana , et acquittée comme tous
les autres puissants enquêtés (Lisanti). Humbert, quand même , fréquentait
également Rosa Vercellana " la
bela Rosin " ( " la belle Rosine "
) , qui devint la maîtresse officielle de son père
à l' âge de seize ans.
Humbert avait besoin d' une rotation continue de femmes , choisies
à travers de photographies , reçues au palais et
renvoyées avec une enveloppe contenant de l' argent , ce
qui rappele des gouverneurs italiens plus récents , ainsi
que la passion pour les fillettes mineures , telles que Cesarina
Galdi , de quatorze ans , la fille d' un comte , qu' il avait
mise enceinte , comme elle-même avait dénoncé
après le régicide (Galzerano, 2001, pag. 147-155).
Après
l' attentat
Bresci se laissa arrêter peu après le
régicide , sans opposer aucune résistance , et déclara:
" Je n' ai pas tué Humbert. J' ai tué le
roi. J' ai tué un principe " Au moins huit personnes
se disputèrent le " mérite " d' avoir
attrapé Bresci ; immédiatement après , des
passants tentèrent de le lyncher et la police leur empêcha
de le faire. L' anarchiste eut toujours un comportement calme
, et trois jours après l' attentat , un journal annonçait
: " il mange toujours cyniquement " (Galzerano, 2001). Juste près l' attentat
, les autorités établirent une sorte de cordon sanitaire
autour de Monza et les informations sur le régicide se
propagèrent avec difficulté. Les premiers reportages
des journaux montrèrent que le régicide était
un certain Angelo Bressi , puis ils se corrigèrent
et fournirent davantage de détails.
Le criminologue Cesare Lombroso (1835-1909) ,
proche aux idées socialistes , dans un texte de 1894 avait
défini Passannante et Acciarito comme des fous et des dégénérés
, tandis qu' il classait Bresci dans la catégorie "
criminaloide ", doté d'une intelligence médiocre
, qui avait subi l' appauvrissement de sa famille d'origine. Le
fanatisme l' aurait conduit au crime , bien qu' il ne faisait
pas partie d' un complot , incompatible avec l' indiscipline et
l' amorphisme que Lombroso attribuait aux anarchistes (Galzerano, 2001,
pag 838). De plus
, Lombroso , parlant de Bresci , avait soutenut qu 'il n' avait
aucun signe de pathologie ou de traits criminels ( selon la pseudoscience
de l' époque ) , affirmant que pour le régicide
" la cause pressante réside dans les conditions
politiques très difficiles de notre pays " blâmant
" le maximum de culpabilité des classes dirigeantes
[ qui consiste à ] ne pas guérir les maux qui nous
gâchent , mais frappantr inexorablement ceux qui les révèlent.
Drôle de remède , en effet , qui suffirait pour
soi-même à montrer jusqu' à quel point nous
sommes descendus (Zucca).
Lev Tol'stoj ainsi commenta le regicide
: " Ceux-ci , on les voit toujours en uniforme militaire
avec à leur côté l' instrument de l' assassinat
, le sabre. L' assassinat est pour eux un métier. Mais
il suffit qu' un d' eux soit assassiné et on les entendra
récriminer et s'indigner ".
Le journal socialiste français " L'Aurore ",
le même que le 13 de janvier de 1898, avait accueilli le
" J'accuse " d' Émile Zola , qui avait rouvert l' affaire
Dreyfus , publia le 1er août un article
d' Albert Goullé qui terminait comme ceci " Quand
un chef d Etat ordonne la mort de vingt , cinquante , cent
hommes du peuple , ces sont les tués qui sont des criminels.
Quand un homme du peuple se fait le vengeur des assassinés,
il est un abominable assassin".
L' activiste anarchiste Luigi Galleani definìt Bresci :
« L' étincelant archange de la revanche populaire
et de la justice sociale » , tandis que Armando Borghi
en Errico Malatesta ( Milan , 1947 ) écrivit
: « Bresci nous vint de l' étranger avec
trois prérequis : une volonté de fer , un pistolet
de précision et une excellente qualité de tir ».
(Rosada).
Le leader communiste Palmiro Togliatti
, dans son article " Due date " ( " Deux
dates " ) publié sur "Il comunista"
de 17 août 1922 écrivit : " La mort violente
du roi Humbert fut l' affleurer , sous une forme tragique et exasperée
, d' un conflit profond , d' un contraste de forces réelles
[
] qu' il est encore à l' histoire à résoudre.
Sous la main ferme et sous l' oeil sûr de l'anarchiste
individualiste , presque symboliquement , la volonté et
la force des masses ont pris forme , rageusement soulevé
pour protester contre le pouvoir de l' Etat italien , oppresseur
, affameur , fusilleur et sbire " (Affortunati, pag. 81).
Giuseppe Galzerano , dans son ouvrage très complet sur
Gaetano Bresci (2001) ,
passe en revue les commentaires publiés dans divers pays
après l' attentat , dans lesquel on montre que plusieurs
italiens qui avaient commis des attentats contre des chefs d'
État étaient considérés comme des
héros. Les exemples sont Felice
Orsini qui avait commis une attentat contre Napoléon
III , empereur de France , Guglielmo Oberdan
, qui avait tenté d' assassiner l' empereur d' Autriche-Hongrie
François-Joseph , Agesilao
Milano , qui avait tenté d' assassiner le roi des Deux-Siciles
Ferdinand II , Antonio Carra , qui avait
poignardé à mort le duc Charles
III de Parme. Amilcare Cipriani , dans le livret mentionné
ci-dessus , déclara : " Je ne comprends pas la
raison pour laquelle le même acte , selon la personne qui
le commet ou à laquelle il est destiné , est considéré
comme un acte d' héroïsme ou un meurtre "
(
cité par Galzerano , 2001, pag. 52).
Parmi les autorités
qui avaient présenté leurs condoléances à
la suite de la mort d Humbert on avait le président
américain William McKinley ,
qui décéda environ un an plus tard , le 14 septembre
1901 , en conséquence des coups de revolver tirés
contre lui huit jours plus tôt à Buffalo par l
anarchiste américain d origine polonaise Leon
Czolgosz , inspiré par le geste de Gaetano Bresci ,
à tel point qu' une coupure de journal concernant l' attentat
de Monza fut retrouvée sur lui.
Bresci fut emmené à la prison de Monza , où
il fut interrogé et torturé , comme rapporté
par les anarchistes , mais aussi par le député socialiste
Filippo Turati , sur " Critica
sociale " , et comme on pouvait saisir par des divers
détails , tels que les traces de sang laissées dans
la voiture qui l' avait transféré de Monza à
Milan et la façon dont il se déplacait en boitant.
Au cours du procès , l' un des journalistes présents
écrivit " Il porte toujours sur son visage les
marques de coups reçus " (Petacco). L' anarchiste maintint toujours un comportement
calme , sauf pour les plaintes contre l' obligation de porter
une camisole de force , motivée par la nécessité
de l' empêcher de se suicider , ce qui apparaît comme
une construction anticipée d' un alibi , dans le but de
soutenir la future imposture du suicide de Santo Stefano.
La famille
de Gaetano après l' attentat
En 2020 Andrea Sceresini en "La Repubblica" publia
des nouvelles inédites sur ce qui arriva à la femme
et aux filles de Gaetano Bresci après l' attentat de Monza.
Sophie Knieland changea son nom de famille en Niel (Mazzone) et , après la mort de Gaetano
, elle déménagéa à Cliffside Park
, au New Jersey , dont le maire lui ordonna en septembre 1901
de partir , " pour éviter des ennuis éventuels
". Sophie se remaria avec le syndicaliste d' origine
allemande Joseph Mang et alla vivre dans la banlieue de Newark,
près de New York. En 1912, Sophie et Mang se séparèrent
et elle se transféra à Chicago , où Muriel
fut confiée à la garde d' un groupe d' anarchistes,
tandis que Sophie et Madeline déménagèrent
à Glacier Park au Montana, où la mère travailla
comme cuisinière dans une cafétéria. En 1913
, la famille se réunit à Seattle , et après
un an , elles déménagèrent en Californie
, où Sophie travailla comme cuisinière et ses filles
travaillèrent comme femmes de ménage chez des familles
, et allèrent habiter a San Francisco in Monterey Boulevard.
Mère et filles ouvrirent un kiosque de nourriture dans
la zone portuaire , elles eurent d' abord des problèmes
avec le crime organisé local , résolu grâce
à l' aide des dockers , puis Sophie ouvrit un salon de
beauté et ses filles fondèrent un groupe musical
féminin , les " Lorelei Syncopaters "
( voir photo, Madeline et Muriel sont
la troisième et la quatrième en partant de la gauche
). Sophie décéda à San Francisco en 1932
à l' âge de 67 ans. Madeline se maria et décéda
à San Francisco en 1974. Muriel se maria , eut trois filles
et alla vivre à Fresno , aussi en Californie , où
elle décéda en janvier 1981 , et fut enterrée
dans le local cimetière avec le nom de son mari , Mitchell.
Le "
complot "
Au cours des interrogatoires
, les carabiniers essayèrent de contraindre Bresci à
avouer qu' il avait des complices , ce que l' anarchiste n' admit
jamais , expliquant plutôt à ses geôliers les
raisons de son acte. Bresci donnait des réponses d' une
" finesse sans égal " , irritant le colonel
des carabiniers pour " la façon malheureusement
convaincante avec laquelle il s' exprimait "(Galzerano).
Après l' attentat , des nouvelles et des témoignages
imaginaires circulèrent dans la presse mondiale sur la
présence de Bresci dans les pays les plus disparates ,
de Budapest à Barcelone , de Bratislava à Genève
, de Londres à Bruxelles , de Vienne à Rijeka et
même à Buenos Aires.
Le célèbre détective italo-américain
Joe Petrosino avait également
enquêté dans les milieux libertaires de Paterson
pour découvrir des complices et des instigateurs de l'
attentat de Monza , concluant que le régicide était
le résultat d' un complot manigancé par un groupe
d' anarchistes de Paterson affiliés à la "
Main noire " ( qui à l' époque avait
encore des implications libertaires ) et que Bresci avait été
désigné par tirage au sort avec les numéros
de la tombola (Toscano). Au cours de l' enquête
sur le meurtre de McKinley , Petrosino interrogea et maltraita
sévèrement Sophie Knieland , la compagne de Bresci
(Toscano).
Au cours des enquêtes , en Italie et aux États-Unis
, émergea une pléthore de personnes qui témoigna
, après l' attentat , d' en avoir reçu la nouvelle
à l' avance , de la part de nombreux et hétérogènes
complices de Bresci , qui se révélaient souvent
même inexistants du point de vue anagraphique. Le journal
socialiste " Avanti!
" du 26 août 1900 commenta : "Les complices
du régicide sont maintenant plus nombreux que les soldats
de Xerxès : rouges et noirs , jaunes et bleus , ont préparé
le crime (Galzerano,
2001, pag. 341).
Les échelons supérieurs de la sûreté
de l' État , et en particulier le ministre de l'Intérieur
, Giovanni Giolitti , suivaient avec
une grande conviction la direction d' un complot dirigé
par l'ancienne reine des Deux-Siciles, Marie-Sophie
de Bavière , en exil à l' époque à
la Villa Hamilton à Neuilly-sur-Seine , près de
Paris , le salon de laquelle accueillait , en plus des aristocrates
et des intellectuels , aussi des anarchistes et des révolutionnaires
socialistes et républicains , considérés
favorablement comme des anti-savoyards. Pour ces fréquentations
, Marie-Sophie était appelée par Marcel Proust "
la reine aux anarchistes " , en dépit de qu'
elle était la soeur d' Elisabeth de
Bavière , surnommée " Sissi ",
impératrice d' Autriche qui fut tuée à Genève
en 1898 à l' âge de 61 ans par l' anarchiste italien
Luigi Lucheni. En plus de soupçonner
que Marie-Sophie avait financé et protégé
Bresci et d' autres conjurés présumés , les
service de renseignement italiens , infiltrés parmi les
anarchistes italiens en exil , étaient convaincus qu' il
était en place un plan pour libérer Gaetano Bresci
de sa prison , et plus tard du pénitencier.
Un deuxième procès pour le meurtre d' Humbert ,
focalisé sur les présumés complices de Bresci
, malgré le grand nombre de personnes mises sous enquête
, même de manière brutale , n' alla au-delà
du stade de l' enquête , à cause de l' incohérence
absolue des preuves réunies.
Des années plus tard , Pietro Acciarito , le régicide
manqué de 1897 , lorsqu' on lui demandait si quelqu' un
avait instigué Bresci , répondait : "N'
importe quelle société ne peut prendre un homme
et lui dire de tuer. Je dis que Bresci a agi tout seul , s' il
jamais a eu un encouragement , c' était de la part de la
misère" (Galzerano, 2001, pag. 345).
De toute façon , l' anarchiste Luigi
Granotti , de Sagliano Micca ( province de Bielle ) , surnommé
" il biondino " ( c'est-à-dire "
le blondin " bien qu' il n' était pas blond
) , fut poursuivi pendant de nombreuses années en tant
que complice de Bresci. Granotti était venu en Italie de
Paterson deux semaines après Bresci et était avec
lui à Monza à l' époque du régicide.
Il serait arrivé en train avec Bresci , il aurait cherché
avec lui un hébergement dans la même pension et comme
il ne l' avait pas trouvé , il aurait séjourné
à la locanda del Mercato
, dans la même zone.
Granotti avait laissé l' Italie quelques jours plus tard
, traversant les Alpes pour se rendre à Gressoney et passant
par la Suisse. Malgré la condamnation à la réclusion
à perpétuité par contumace prononcée
le 25 novembre 1901 , il n est pas du tout certain que Granotti
ait participé au régicide ou qu il en ait
été informé à l avance. Luigi
Granotti fut poursuivi pendant des décennies , avec de
nombreuses fausses observations dans le monde entier , de Shanghai
à Buenos Aires , de Londres à San Francisco , de
Chicago à Singapour. De toute façon , il ne revint
jamais en Italie et décéda à New York en
1949 ( lien
).
La réaction
Le régicide
déclencha la réaction des secteurs les plus réactionnaires
du pays. La ville de Prato , lieu de naissance de Bresci et celle
de Monza , lieux sans culpabilité du régicide ,
fut frappée par une sorte de damnatio memoriae ,
au point que la Villa Royale de Monza , lieu habituel des vacances
des souverains , fut pratiquement abandonnée.
Sur le terrain d' entraînement de la société
sportive " Forti e liberi " , exactement au point
du régicide, a été construite une chapelle
commémorative sous la forme d' une stèle , appelée
" Cappella reale espiatoria
" ( " Chapelle royale expiatoire " ) , inaugurée
en 1910 , dans la crypte de laquelle on voit une stèle
. placée à l'endroit exact où Bresci tua
Humbert. Le siège social et le terrain dentraînement
de la société sportive "Forti e liberi"
furent transférés et se trouvent toujours en
via Cesare Battisti , à quelques mètres du lieu
initial.
La vengeance des réactionnaires et de l' établissement
contre Bresci impliqua également sa famille : son frère
Lorenzo , cordonnier , fut persécuté et emprisonné
jusqu' à ce qu' il se suicida trois ans plus tard. Lautre
frère , Angiolino , qui avait choisi la carrière
militaire et était lieutenant d artillerie , se trouva
contraint de changer son nom de famille en prenant celui de sa
mère pour ne pas perdre son emploi. De nombreux autres
italiens nommés Bresci préférèrent
changer leur nom de famille pour éviter des représailles
et des agressions. Le beau-frère de Bresci , Augusto Marocci
, ouvrier au Fabbricone , et l organisateur du syndicat
, Giulio Braga , ainsi que d autres anarchistes de Prato
, dont Luigi et Carlo Masselli, furent également arrêtés
, surpris en déchirant les drapeaux du deuil national.
Le journal milanais " Il Corriere della Sera "
du 9 août 1900 , dans une correspondance de Paris , allait
jusqu'à accuser l enseignement primaire d être
un facteur d incitation au régicide , car il permettait
aux travailleurs de lire , donc de consulter des journaux subversifs.
La preuve aurait été l' attentat
manquée contre le Shah de Perse Muzaffar
al Dîn à Paris , le 1er août , trois jours après
le régicide de Monza , dont l'auteur , l' anarchiste français
François Salson , aurait été
incité par le récit de l' acte de Bresci (Galzerano, 2001,
pag. 217). Le philosophe
libéral italien Benedetto
Croce (1866-1952) indiquait Bresci comme "
un anarchiste venu d' Amérique " sans même
mentionner son nom (Petacco).
Les réactionnaires attaquèrent également
les républicains et les socialistes et leurs sections ,
tandis que les forces de l' ordre ne se contentaient pas d' éviter
de défendre les agressés , mais les arrêtaient
et les frappaient à
leur tour.
Le socialiste Alfredo Angiolini (1900)
écrivit : "Il
n'y avait donc aucune raison de vitupérer contre les socialistes,
pourtant les journaux de la réaction se mirent à
parler de conspirations, accusèrent les socialistes d'instigateurs
et de responsables moraux du meurtre, réclamèrent
de nouvelles dispositions, de nouvelles mesures exceptionnelles
contre tous les subversifs, des pressions sur le ministère
pour reconstituer ces méthodes liberticides qui avaient
caractérisé le gouvernement Pelloux, incitant les
gamins et la racaille de la société contre les journaux
socialistes, contre la société démocratique
".
Pendant plus d' un an , furent organisés des centaines
de procès pour apologie de crime , pour des faits totalement
négligeables , voire ridicules , mais qui se conclurent
souvent avec des condamnations prononcées à l' encontre
des accusés , donnant en outre la sensation que le peuple
italien était loin de condamner en bloc le régicide
et au contraire , que Bresci jouissait d une grande sympathie
et d une grande solidarité , en particulier parmi
les classes les moins aisées.
L Église catholique se distingua par une extrême
froideur face au deuil de la famille royale et de l Italie
, avec lasquelle il n y avait plus de relations diplomatiques
après la conquête de Rome , avec la brèche
de Porta Pia le 20 septembre 1870 (voir ma page
web). Le pape Léon XIII
, désormais âgé de quatre-vingt-dix ans ,
refusa de concéder tout rite religieux à la mémoire
d Humbert. Le journal du Vatican , " L' Osservatore
Romano ", expliqua avec une laconicité glaciale
l' attitude hostile de l' Église catholique à l'
égard de la Maison de Savoie. En outre , plusieurs prêtres
furent condamnés pour apologie du régicide.
Le procès
L' affaire fut préparée
pour le procès en un mois seulement. Le 17 août ,
la section du Ministère public prononça l' ordonnance
de renvoi en jugement. Par décision du président
Luigi Gatti , le procès ne dura qu' un jour , le 29 août
1900 , de 9 heures à 18 heures , à la Cour d'assises
de Milan , dans le palais du Capitaine de Justice , sur la place
Beccaria. lourdement gardé par des troupes. Le tribunal
rejeta la demande de la défense de reporter le procès
à des temps plus sereins. Bresci demanda d' être
défendu par Filippo Turati , qui , après une conversation
avec lui le 20 août , l' informa le lendemain de son refus
, même parce qu' il ne pratiquait pas depuis dix ans. Turati
décrivit le prisonnier comme sympathique , sans traits
anormaux , mais avec " une figure froide et concentrée
, presque glaciale , tant qu' il rendait sa pensée impénétrable
" , mais qui se souciait de ne pas ressembler à
un criminel ordinaire. Le leader socialiste , cependant , le jugea
avoir une intelligence très limitée (Galzerano, 2001,
pag. 235).
Les idées de Turati sur le régicide de Monza sont
clairement exprimées dans un article qui lui est attribué
, " La successione " , publié dans "
Critica Sociale " du 1er août 1900 : " un
de ces fous qui, en toutes les époques , laissèrent
libre cours à leur irritation impulsive , et que dans les
temps modernes - en raison d' une séquelle qui s' atténué
de plus en plus de la psychologie engendrée par les révolutions
bourgeoises -, se leurrent parfois encore qu' ils pourraient modifier
quelque chose d' essentiel du dispositif politique , en tuant
ceux qui en incarnent la partie la plus superficielle et la plus
décorative " (Galzerano, 2001, pag. 445).
Turati recommanda à Bresci de confier sa défense
à l' avocat Francesco Saverio Merlino
, originaire de Naples , qui , dans sa jeunesse , avait été
anarchiste , ancien agitateur politique aux États-Unis
pour organiser les travailleurs italiens , même à
Paterson en npvembre 1892 , même si, au moment du procès
, ses sympathies étaient pour les socialistes révolutionnaires
, bien qu' il n' était pas impliqué dans la vie
politique. En 1895 , alors qu' il était détenu ,
Merlino fut nommé candidat à l' investiture aux
élections politiques dans la circonscription électorale
de Prato , avec le soutien des anarchistes et des socialistes
(Affortunati,
pag. 59). Merlino
fut nommé la veille du procès et demanda en vain
un report pour étudier l énorme quantité
de documents et pour convoquer des témoins de la défense
résidant aux États-Unis , ainsi que pour vérifier
l existence possible d un complot né à
Paterson , dont Bresci aurait été l' exécuteur
matériel. Merlino était épaulé par
l'avocat Mario Martelli , président
du barreau de Milan , qui était initialement l' avocat
nommé par le tribunal.
Les reporters des journaux bourgeois se déchaînèrent
avec des descriptions négatives de Bresci , l' appelant
" antipathique "," canaille ",
" démoralisé et accablé ",
" nerveux et asymétrique ", " répulsif
" , " vipère " , " bête
féroce ", " dégénéré
" ," reptile " ," abject "
et " pervers ". Physiquement , il était
" plutôt laid ", selon d' autres "
très laid " , avec " des yeux enfoncés
" , " un regard oblique ", " un
air sinistre ", " un gros nez " , "
un menton court et saillant ( ?! ) " , et ayant rien
de moins que " ongles longs ". En outre , il
apparaissait " osseux mais pas vigoureux ", "
maigre " montrant " des traits du visage très
marqués " , caractérisé par "
une pâleur profonde du visage " , " une
voix très faible et tremblante ", " dépourvu
de toute énergie physique et mentale " , pour
ne passer sous silence le fait qu' il " fait preuve de
férocité et induit la répugnance ",
et que " le dégoût qu' il suscite devient
de la nausée " (Galzerano, 2001, pag. 270-275). Le journal " Il Correre
della Sera " du 31 août 1900 vexa même la
petite fille de Bresci , Maddalena , " frêle et
maladive , à dix-huit mois , elle n' a pas encore poussé
les incisives " (Galzerano, 2001, pag. 322).
Même au cours du
procès , le ministère public , en la personne du
procureur général locum tenens près
la cour d appel de Milan Nicola
Ricciuti , chercha de créditer la thèse du complot
anarchiste visant à tuer Humbert , ce qui , à son
avis , était prouvé par le fait que l' accusé
venait de Paterson , lieu d' une grande colonie anarchiste. Bresci
toutefois soutint toujours qu' il avait agi tout seul et de sa
propre initiative.
Maître Merlino arriva de Rome sans pouvoir dormir car il
avait dû étudier dans le train les documents disponibles
et avait été filé par des policiers en civil.
Au cours de l' audience , il fut interrompu à plusieurs
reprises par le président du tribunal , le procureur de
la République et le public qui , selon le journal napolitain
" Il Mattino " , était composé
de " journalistes , de flics en civil et de carabiniers
" chercha de faire réfléchir sur le fait
que la violence des individus était alimentée plutôt
que réprimée par la violence et la répression
de l' État , et sur l'utilité de faire justice ,
plutôt que vengeance , afin de ne pas générer
d' autres actes de rébellion violente, tels que le régicide.
Dans sa brève plaidoirie défensive , Maître
Martelli avait soutenu au contraire que , bien qu' il n' était
pas fou , Bresci était obsédé par l' identification
erronée du roi avec l' État , et avait également
demandé de faire justice et non de vengeance.
Bresci fut condamné pour crime de régicide "
à la réclusion criminelle à perpétuité
, dont les sept premières années de détention
en cellule , à l' interdiction perpétuelle d' exercer
des fonctions publiques , à l interdiction légale
, à la privation de la capacité testamentaire ,
considérant nul le testament qu' il aurait fait par hasard
avant la peine " ( la peine de mort avait été
abolie en Italie en 1889 par le code pénal de Zanardelli
).
L' article 117 du même code prévoyait : " Toute
personne qui commet un acte adressé contre la vie , l'
intégrité ou la liberté de la personne sacrée
du roi est puni de l' emprisonnement à vie " , tandis
que l' article 12 du même code disposait que " l' emprisonnement
à vie est perpétuel et est purgé dans un
établissement spécial , où le condamné
reste pendant les sept premières années en isolement
cellulaire continu , avec l obligation de travail ".
Il semble que sa compagne Sophie , une fois reçue la nouvelle
de la condamnation , avait adressé une supplique à
la reine mère , même si cette circonstance avait
été démentie par les environnements anarchistes
de Paterson.
Bresci refusa d' interjeter appel du jugement devant la cour d'
appel ; Maître Caberlotto , collaborateur de Maître
Martelli , lui rendit visite en prison et Bresci déclara
qu' il ne faisait appel qu' à la prochaine révolution.
Le jugement de condamnation fut affiché
le 8 septembre aux angles des rues de Milan.
Santo
Stefano
Les procédures
de détention et de transfert de Bresci furent toujours
tenues cachées pour la crainte que ses camarades anarchistes
ne cherchassent à le libérer. Le condamné
fut d' abord isolé dans la prison milanaise de San Vittore
, puis il fut embarqué à La Spezia le 30 novembre
1900. Le 23 janvier 1901 , à 7 heures , il fut débarqué
du bateau à roue à aubes " Messaggero
" de la marine royale italienne , sur l' île de Santo
Stefano , dans l'archipel des îles Pontines ( voir ma
page web ) , et à 12 heures , il fut prise en charge
dans le registre du pénitencier
de l' île.
Pendant le transfert en mer à Santo Stefano , l' équipage
avait ordre de ne pas parler à Bresci , mais il semble
qu' un marin , Salvatore Crucullà , lors de son transfert
en bateau à rame du " Messaggero " à
l' île , aurait demandé à l' anarchiste pourquoi
il avait tué le roi. Bresci aurait répondu: "
Je l' ai fait aussi pour vous " , déclenchant
le rire de l' équipage, qui n' avait pas compris le sens
de la phrase.
Les dates d' arrivée et de départ sont incompatibles
avec la distance relativement courte entre La Spezia et Santo
Stefano , ce qui pourrait s' expliquer par une détention
à mi-parcours , mentionnée à l' époque
par les journaux , dans le pénitencier
de Portoferraio , sur l' île d' Elbe. Bresci aurait
été enfermé dans l' une des vingt cellules
de la section d' isolement appelée " La Rissa
", à trois mètres sous le niveau de la mer
, où Bresci aurait écrit , sous une fenêtre
, la phrase : " la tombe des vivants ". Le temps
passé à Portoferraio aurait été le
délai nécessaire à la mise en place de la
cellule attribuée à Bresci à Santo Stefano
(Zucca) , mais d' après Petacco
, le transfert était dû à la solidarité
des autres prisonniers envers Bresci , même en raison de
sa détention continue en chaînes , ce qui n' était
plus permis par la loi.
D' après un reportage publié par le journal napolitain
" Il Mattino " , rédigé par le
Cavalier G. Di Properzio , qui s' était rendu à
Santo Stefano deux jours après la mort officielle de Bresci
, le prisonnier déguisé aurait quitté Milan
pour rejoindre La Spezia , avec un train direct le soir du 21
janvier 1901 , escorté par le directeur général
des prisons , Alessandro Doria et par cinq carabiniers. De la
gare de La Spezia , toujours déguisé et complètement
rasé , il aurait été emmené en voiture
de louage à l' Arsenal , d' où il se serait embarqué
sur le " Messaggero " en direction de Santo Stefano
et serait arrivé presque deux jours après.
À Santo Stefano, une cellule
avait été modifiée à dessein pour
Bresci. La Direction générale des services pénitentiaires
en transmis le plan au cavalier Vito Cecinelli . le directeur
du pénitencier : elle était absolument identique
à celle qu' Alfred Dreyfus occupait
sur l'île du Diable depuis 1895 et qu' aurait occupé
jusqu' en 1906. Pietro Acciarito , le meurtrier manqué
d Humbert Ier en 1897 , avait été
enterré vivant dans la cellule avant d être
emmené en 1904 à l asile des criminels aliénés
de Montelupo Fiorentino , où il termina ses jours en 1943.
La cellule était légèrement plus petite que
les cellules ordinaires et mesurait 3 x 3 mètres : le seul
mobilier consistait en un lit en bois avec un matelas en crin
( qui devait être levé et attaché au mur avec
de grandes courroies en cuir ) , un tabouret fixé au sol
, une bassine en bois et le seau-latrine.
La cellule était séparée des autres , les
cellules des deux côtés étaient occupés
par les gardes et placées au bout d' un couloir construit
entre les bureaux et les dépôts. Même la terrasse
pour l' heure d'exercice était isolée , de sorte
que le prisonnier était tenu à l' écart également
lorsque son isolement était atténué. La terrasse
était le seul endroit où les prisonniers pouvaient
théoriquement voir Bresci , mais son heure d' exercice
coïncidait avec le moment où ses codétenus
étaient enfermés : en effet , ils comprirent que
Bresci était décédé simplement parce
que leur interdiction de sortir à cette heure était
terminée
(Mariani). Sur la terrasse , il y avait
aussi deux guérites pour
les deux gardes qui le surveillaient à chaque instant.
Le 18 mai , l' inspecteur Alessandro Doria se rendit à
Santo Stefano , atteignit la prison et ordonna au directeur de
quitter au prisonnier l' usage d' un tabouret bas , car il pouvait
s' asseoir par terre et s'appuyer contre le lit , de lui interdire
de tenir avec soi un mouchoir et de porter des maillots de coton
, ainsi que d' acheter des savonnettes. Il lui était également
interdit d' écrire ou de recevoir des lettres de sa compagne
Sophie
(Galzerano,
2001, pag. 799).
Bresci avait les pieds enchaînés et portait l' uniforme
au col noir , distinguant les condamnés à perpétuité
en prison pour les crimes les plus graves , tandis que les autres
détenus avaient un col jaune. Ses repas quotidiens consistaient
en une gamelle de soupe-maigre ( sans viande ) et une miche de
pain. De plus , il pouvait faire ses courses au magasin de la
prison , mais il le faisait rarement : des soixante lires déposées
auprès de l'administration ( envoyées d' Amérique
par sa femme ) , il en avait dépensé moins de dix
(Centini).
Même à Santo Stefano , Bresci eut un comportement
calme et accepta la visite de l' aumônier
de la prison , le père Antonio Fasulo , mais seulement
pour se procurer des livres. Il reçut une copie de la Bible
et l une des « Vies des Pères »
, qu il n apprécia pas , et donc il demanda
le vocabulaire français-italien Cormon et Manni , qu
on retrouva dans sa cellule ouvert et froissé lorsqu
on découvrit officiellement son cadavre. Bresci disposait
également du bulletin mensuel de la " Rivista di
disciplina carceraria " ( " Journal de discipline
de la prison " ), conçu pour l'éducation
des prisonniers , contenant des nouvelle édifiantes , moraux
et patriotiques , le quatrième et dernier livre disponible
dans le petite bibliothèque du pénitencier (Zucca).
La mort
Le bureau d' enregistrement
de l Etablissement Pénitentiaire Royal de Santo Stefano
inscrivit le décès du prisonnier " Gaetano
Bresci , fils de feu Gaspero , condamné à la réclusion
à perpétuité pour le meurtre du roi d' Italie
à Monza ". Gaetano Bresci avait trente-deux ans.
Le geôlier Antonio Barbieri soutint qu' il avait retrouvé
Gaetano Bresci mort à 15 heures le mercredi 22 mai 1901
, après dix mois d'emprisonnement. À 14h45 , Barbieri
avait vu Bresci vivant , lisant près de la fenêtre
de la cellule. Selon la version officielle , Bresci se serait
étranglé avec une serviette ou un mouchoir ( selon
deux versions , toutes deux officielles ) , accroché aux
barreaux de la fenêtre , évitant la surveillance
continue du geôlier , alors que à 14h50 il s' était
éloigné quelques minutes pour des besoins , et sans
faire de bruit , alors que Bresci avait les pieds bloqués
dans une longue chaîne , fixée à un mur de
la cellule qui tintait au moindre mouvement du prisonnier. Les
deux geôliers Barbieri et De Maria furent suspendus du service.
Selon la version officielle , le deuxième geôlier,
Giovanni De Maria , dormait et se précipità à
l' appel de Barbieri , accompagné du détenu Leonardo
Tamorria , forgeron de Partinico ( province de Palerme ) , libre
de se déplacer à l' intérieur de la prison
, puisqu' il s' occupait des services généraux.
D' après le registre de la prison , il semble que la dernière
inspection ait eu lieu à 9h30 et la dernière vérification
des bars à 13h10.
Selon le journal anarchiste « Rivista Anarchica »
, la première version officielle , qui faisait référence
à une serviette , avait été changée
, lorsqu on apprit que les détenus n' étaient
pas autorisés à garder leurs serviettes dans la
cellule. Ils décidèrent donc de parler d un
mouchoir , qui devait quand même être assez grand
pour se pendre. D autres versions font référence
à une nappe ( personne ne sait d où elle pourrait
provenir , vu que Bresci n avait même pas une table
dans sa cellule ) , à une cravate ( on ne sait pas comment
un prisonnier pourrait se procurer un tel vêtement ) , attachée
à la serviette ou le col de la livrée ou le pantalon
de l' uniforme de la prison coupé en bandes et noué
pour former une corde. Il ne semble pas que ces objets aient été
retrouvés dans la cellule. Au contraire , le médecin
de la prison , Francesco Russolillo , remarqua lors du premier
examen du cadavre qu' il portait l' uniforme à rayures
blanches et noisette , et que le pantalon était intact.
Par conséquent , il y a un suspect fort et fondé
que Bresci ait été assassiné , peut-être
à une date antérieure à celle officiellement
déclarée.
L' hébdomadaire français Le Petit Journal dans
un court entrefilet dans
le numéro du 9 juin 1901 attribue le suicide
aux conditions désespérées de détention
en isolement , et pour résoudre le probléme de l'
evasion de la surveillance , supposant que les geôliers
eussent intentionnellement laissé faire à Bresci
, pour des raisons humanitaires , en lui permettant de mettre
fin à ses souffrances. Un autre hébdomadaire français,
L'Assiette au beurre, du 6 juin 1901 représente
par contre sur sa couverture
le cadavre pendu de Bresci surveillé par un garde, un prêtre
et un bourgeois coiffé d'un haut de forme, et en bas de
page on lit un commentaire de Victor-Emmanuel III: " C'est
ce qui pouvait arriver de mieux ".
Comme d' habitude , Gaetano Bresci avait laissé pour le
dîner une partie de sa ration quotidienne qu' il avait reçu
le matin , une soupe de maigre sans viande avec des légumes
et des pâtes , ainsi que du pain gris , ce qui ne laisse
pas penser à une personne sur le point de se suicider.
Le médecin de la prison , Francesco Russolillo , qui avait
déclaré avoir vu le cadavre de Bresci immédiatement
après sa découverte , encore avec la " corde
" autour de son cou , raconta le cadre typique de la mort
par strangulation. L' anarchiste Amilcare Cipriani , détenu
dans le pénitencier huit ans auparavant , jugeait l' hypothèse
du suicide totalement impossible , tant pour la surveillance continue
que parce qu' aucun détenu ne pouvait avoir un mouchoir
, des serviettes ou tout autre morceau de tissu apte à
la fabrication d' une corde , il lui manquait en outre un support
auquel il pourrait l' accrocher.
Certaines coïncidences , une fois confirmées , pourraient
renforcer la thèse d' un meurtre d' État : le directeur
général des prisons Doria avait été
promu deux mois après la mort de Bresci et aurait bénéficié
d' un redoublement de son traitement ( passant de 4 500 à
9 500 lires par an ). Le prisonnier anarchiste Ezio Taddei racontait
l' histoire d' un vieil condamné à vie , selon laquelle
Bresci avait été étranglée par un
détenu , le chef-mousse Sanna , qui , deux jours après
la mort de Bresci , avait été transféré
à Procida et ensuite libéré en lui concedant
la grâce souveraine , peut-être en récompense
de l' homicide (Galzerano,
2001, pag. 855).
Dans son discours du 19 novembre 1947 à l'Assemblée
Constituante , le feu Président de la République
italienne Sandro Pertini , dit
: "... je parle pour expérience personnelle (...).
En prison , honorable Ministre , se fait ceci : on frappe
un détenu ; sous les coups le détenu meurt , et
alors tous se préoccupent et ne se préoccupent pas
seulement les geôliers qui ont frappé le détenu
, mais aussi le directeur , le médecin , l' aumônier
et tous qui font partie du personnel de garde. Et alors ils font
ceci : dénudent le détenu , l' accrochent à
la grille et le font trouver ainsi suspendu. Ensuite le médecin
vient et rédige un rapport de mort pour suicide. Celle-ci
fut la fin de Bresci. Bresci a été frappé
à mort , ensuite ils ont accroché son cadavre à
la grille de la fenêtre de sa cellule de Santo Stefano ,
où j' ai été un an et demi ".
Ugoberto Alfassio Grimaldi , en citant des témoignages
de détenus politiques , écrit de Bresci : "Ce
22 mai trois gardiens lui avaient fait le " Santantonio "
: c'est-à-dire on couvre quelqu' un de draps et de couvertures
et ensuite on le frappe à mort ; le corps avait été
enterré , dans un lieu resté sans trace dans les
archives de Santo Stefano , par deux bagnards envoyés expressément
d' une autre pénitentiaire et y reconduits tout de suite
; le commandant de la pénitentiaire avait été
promu et les trois gardiens avaient été récompensés".
D' après les documents privés de l' ancien Premier
ministre Francesco Crispi , il semble que déjà le
18 mai , quatre jours avant la date " officielle " du
décès , un représentant du gouvernement ,
le susmentionné inspecteur Alessandro Doria , était
à Santo Stefano. Pour cette visite , le directeur de la
prison demanda au ministère s' il devait autoriser Doria
à voir Bresci. En outre , le 24 mai , deux jours après
le décès " officiel " , les médecins
qui avaient exécuté l' autopsie trouvérent
le corps à un stade avancé de décomposition.
Selon le témoignage d' un ex-geôlier , Bresci aurait
été tué le 7 mai , pas moins de quinze jours
auparavant , tant qu' un journaliste qui avait assisté
à l' enterrement avait alors signalé que le corps
avait une forte odeur de décomposition (Rivista Anarchica; Galzerano,
2001, pag. 843).
Le cadavre de Bresci fut soumis à une autopsie par quatre
médecins légistes , entre lesquels le professeur
Corrado , titulaire de la chaire de médecine légale
de l' Université de Naples et les docteurs Gianturco et
De Crecchio. Il ne reste aucune trace du détaillé
rapport rédigé par les médecins (Galzerano, 2001,
pag. 818).
Le journal anarchiste italo-américain " L'Aurora
" du 8 juin 1901 ( supplément au n° 34 ) imagine
( ou raconte ? ) que le roi Vittorio Emanuele III s' était
rendu incognito à Santo Stefano pour demander à
Bresci de rendre compte du meurtre de son père Humbert
, que la réponse de l' anarchiste avait été
méprisante et que les gardes de la prison avaient étranglé
Bresci dans sa propre cellule (Galzerano, 2001, pag. 845-848).
Gaetano Bresci avait partagé avec d' autres prisonniers
le sort d' être assassiné par ceux qui devaient le
protéger. Parmi les autres Costantino Quaglieri , assassiné
à la prison de Regina Coeli
à Rome en 1894 ( voir ma page
Web sur lui ) , Romeo Frezzi
, assassiné à la prison de San
Michele a Ripa à Rome en 1897 ( voir ma page
Web sur lui ) , le jeune communiste calabrais Rocco
Pugliese , assassiné comme Bresci à Santo Stefano
en 1930 ( voir ma page Web
sur lui ), et le cheminot anarchiste Giuseppe
Pinelli , jeté par une fenêtre de la prefecture
de police de Milan le 16 décembre 1969 , cent ans et un
mois après la naissance de Gaetano Bresci , et jamais
oublié.
Après
le meurtre
Dans le registre de
la prison , décrivant la vie et la mort d' un prisonnier
, il manque une page portant le numéro 515 correspondant
au numéro d' immatriculation de Bresci. Même dans
l Archive Central de l'État
à Rome , rien ne peut être trouvé sur Bresci.
D' après Arrigo Petacco (1929-2018) ,
auteur d' une réussie biographie de Bresci , même
le contenu d' un dossier aurait disparu. Parmi les " papiers
secrets " du Premier ministre Giolitti , figuraient des documents
non officiels sur la mort de Bresci.
Le cadavre de Bresci fut enterré le 26 mai 1901 dans le
cimetière de Santo
Stefano. Selon des sources non officielles , toutes ses biens
auraient été jetées avec lui dans la tombe.
D après d' autres sources , le corps de Bresci aurait
été jeté à la mer comme l' avait souhaité
le journal napolitain « Il Mattino » dans un
éditorial signé " Vagus " (Galzerano, 2001,
pag. 837). Le journaliste
et gastronome Luigi Veronelli (1926-2004)
s' engagea dans la quête de la tombe de Bresci et traça
un plan des sépultures du cimetière , à partir
des indices trouvées sur les tombes , y compris celles
des confinés de l' époque fasciste , qui, comme
les plus anciens , ne portaient aucune indication. En septembre
1964 , Veronelli trouva une croix portant un rouleau : "
Gaetano Bresci 22 mai 1901 " (ParmaDaily, Galzerano, 2001,
pag. 821).
Il ne restait qu un vestige de l' emprisonnement de l' anarchiste
, sa casquette , portant le numéro 515 , qui était
conservée dans le petit musée pénitentiaire
avec la casquette d' un autre anarchiste célèbre
, Pietro Acciarito, qui avait également tenté de
tuer Umberto en 1897. Les deux casquettes se sont perdues lors
d' une émeute de prisonniers à Santo Stefano en
novembre 1943.
Le musée
criminel de Rome conserve d' autres objets saisis à
Bresci après son arrestation : le revolver qu' il avait
utilisé pour tuer le roi Humbert Ier
, un appareil photo , des bains de développement pour la
photographie et deux valises contenant des effets personnels.
Mémoire
Le 29 juillet de chaque
année , à partir de 1901
, les anarchistes rendirent hommage au régicide de Monza
et à la figure de Gaetano Bresci , avec des numéros
spéciaux de journaux et de livrets , produits en dehors
de l'Italie , dans les régions d' installation de communautés
d' émigrants italiens , comme les États-Unis , le
Brésil , l' Argentine , la France et la Suisse. Les publications
, au-delà d' être diffusées localement , étaient
également envoyées ou introduites illégalement
en Italie , adressées aux anarchistes du pays natal.
Beaucoup de textes commémoratifs avaient en commun un sentiment
de désapprobation du peuple italien , qui n' avait pas
saisi l' occasion du régicide pour se rebeller et renverser
un régime anti-populaire et liberticide.
En l' honneur de l'anarchiste de Prato fut attribué le
prénom de Bresci Thompson (1908-2004) , peintre et sculpteur
americain , né à Manhattan et qui ensuite se transféra
à Chelsea.
Le 27 juillet 1947 , la fédération anarchiste lombarde
organisa une manifestation à la mémoire de Gaetano
Bresci au Cinéma Astra de Monza , en via Manzoni ( voir
photo de l' actuel édifice
moderne qui se trouve sur place ) à laquelle assistérent
un millier de personnes. À la fin , on découvrit
une plaque , au milieu d'
une " exultation de drapeaux anarchistes " ,
à quelques dizaines de mètres de la " Chapelle
Expiatoire ". Le lendemain , le préfecture de
police de Milan fit enlever et saisir la plaque ( lien
).
En 1971 , le critique de cinéma et scénariste Tullio Kezich (1928-2009) publia la
pièce de théâtre « W
Bresci: storia italiana in due tempi » ( «
Vive Bresci : histoire italienne en deux actes »,
définie par l' auteur comme un « psychodrame grotesque
» qui mit en scène les événements historiques
qui conduisirent au régicide de Monza , de la réjouissance
de la cour de Savoie et des officier supérieurs de l
Armée pour la répression des émeutes de Milan
aux échos d un possible coup d État
promu par les mêmes cercles de la cour et des classes dirigeantes
, à la servilité de la presse et d une troupe
de théâtre qui tente de mettre en scène le
régicide , sans bouleverser la censure , au procès
qui ne dura qu une journée sans laisser aucune chance
à la défense. Kezich décrit Victor-Emmanuel
III comme un opportuniste qui tente de ne pas subir le même
sort de son père avec une politique attentive et moins
violente , contrairement à sa mère Margherita ,
qui préconisait une réponse réactionnaire.
Kezich arrive à la conclusion que tous les rois doivent
être tués dans le cur et l'esprit des gens
, éradiquant la confiance en le principe d' autorité.
En 2002 , à loccasion du retour en Italie des membres
masculins de la maison de Savoie , après la levée
de l interdiction prévue par la Constitution italienne
, à Prato , un écrit apparut sur un mur : "
Les Savoie reviennent ... Les camarades de Gaetano
aussi
" (Borsini).
Le 29 juillet 2004 , à l'occasion du 104e anniversaire du regicide , les
anarchistes de Turin recouvrèrent
le monument d' Humbert , situé sur la colline de Superga
, à Turin , et apposèrent une plaque
à la mémoire de Gaetano Bresci.
Dans la ville de Carrare , au cur de l' anarchisme italien
, le 2 de mai de 1988 a été inauguré un monument à Bresci , réalisé
par l' artiste Sergio Signori. L'uvre , inachevée
pour la mort de l'artiste , surgit à Turigliano dans les
jardins devant le cimetière
, dediés à Gaetano
Bresci , et fut réalisée sur commande de l'
artisan anarchiste Ugo Mazzucchelli.
Plusieurs acteurs et musiciens ont rendu hommage au sacrifice
de Gaetano Bresci (voir les liens au bas de la page).
Dans le voisinage immédiat de la Chapelle royale expiatoire
construite à Monza sur le lieu du régicide , on
voyent deux écrits muraux acclamant Bresci , un sur l'allée d' entrée et
un sur le mur d' enceinte.
Actuellement , il semble qu une seule
rue ait été dédiée
à Gaetano Bresci en Italie , exactement à Prato
, sa ville de naissance , pas loin de Coiano , le hameau dans
lequel se trouve sa maison natale. Le conseil municipal de Prato
, dirigé par le maire Lohengrin Landini le 1er
juillet 1976 , décida de dédier une rue à
Bresci : « cela semble digne de mention pour des raisons
liées à l'histoire italienne du début du
XXe siècle et à la signification figure de ce citoyen
de Prato " , et en outre : " Dans une évaluation
historique , sa mémoire repose sur la reconnaissance du
fait que l' acte qu' il a commis a marqué un tournant dans
la politique italienne dans le domaine social , après les
répressions sanglantes et réactionnaires qui suivirent
la guerre africaine et les émeutes de 1898 ".
La résolution fut votée à l'unanimité
par les 38 conseillers participants (Mazzone). Inversement , à Prato , aucune
rue n'a été dédiée aux rois ou aux
autres membres de la Maison de Savoie (Santin et Riccomini).
Sur lîle de Ventotene , le brise-lames qui protège
le port nouveau est recouvert de peintures murales , dont deux
représentent Gaetano Bresci , l
une avec la phrase: " Je ne fais appel qu à
la prochaine révolution " prononcée par
l anarchiste lors du procès , et l'autre
donnant sur l 'île limitrophe de Santo Stefano.
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agence de voyages et tour-opérateur , Rome , Italie https://www.terreprotette.it/scuole/lazio-campo-scuola-ventotene.php
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Chansons et théâtre sur Gaetano Bresci :